Charles Dodeman - Le long des quais - Bouquinistes, bouquineurs, bouquins - Illust. d'Albert Robida
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Charles Dodeman - Le long des quais - Bouquinistes, bouquineurs, bouquins - Illust. d'Albert Robida

Format 16x24 cm - 230 p. - Ean : 9782354983338 - Reprint de la deuxième édition publiée en 1919 - Illustrations d'Albert Robida (Ed-05-3)

22,00 € TTC

20,85 € HT

C'est un livre charmant, plein de vie , d’émotions, de couleur et de sentiment que M. Charles Dodeman vient d'écrire sur les bouquinistes, les bouquineurs et les bouquins. Sans doute, de grands aînés l'ont précédé dans le chemin qu’il parcourt en flânant le long des quais de la Seine : Gé­rard de Nerval, Balzac, Nadar, le bibliophile Jacob ont célébré la nécropole du bouquin. Plus, près de nous, Octave Uzanne, dans la philosophie des quais, Francis de Miomandre dans son Voyage d'un Sédentaire, et Anatole France lui-même n’ont pas dédaigné de dresser des couronnes au tour du front du bouquiniste. L'originalité de Dodeman consiste en ce qu’il est lui- même, suivant une expression un peu ro­coco, l’enfant de la taille. Charles Dodeman est bouquiniste. Jadis installé quai Monte-bello, où il vendait des chansons à deux sous, il a maintenant son étalage quai Voltaire, presque dans l'axe de la rue de Baune. Arrière-petit-fils ; d'un colonel tué à Bautzen, petit-fils d'un chef d'escadrille d'artillerie, fils d’un chef de bataillon. Un descendant d'une telle lignée militaire aurait pu, sans doute, prétendre à des destinées plus brillantes. La sienne était, assurément, d’être bouquiniste, nul n'étant maître absolu de sa vie.

Mais ce n'est point un Bouquiniste ordinaire. Dodeman est membre de la Société des Gens de Lettres et a publié non seulement une dizaine de vaudevilles. mais même un grand roman : Le cheveu dans la barbe, publié jadis à l’Echo de Paris. Aussi de la culture littéraire qui est sienne, a-t-il dû tirer une vision très personnelle des bouquinistes et du bouquin si harmonieusement campé sous les platanes .de la Seine, en face de silhouettes tantôt somptueuses comme celle du Louvre, tantôt majestueuses comme celle de Notre-Dame.

Pourquoi l'auteur a t-il cru bon de consacrer un volume de plus de deux cents pages. A un sujet déjà traité ? Il nous le dit lui-même au cours de son œuvre : il craint que la corporation à laquelle il appartient et dont l'origine remonte, suivant un bibliophile, M. Gauvin, à un privilège royal du 30 janvier 1679, ne doive pas continuer à vivre aussi longtemps. Rappelons-nous que cinq ans avant la guerre, certains ronds-de-cuir, amoureux de lignes nettes, avaient décidé la mort du bouquiniste ; ils avaient rêvé de le reléguer en quelque coin du vaste Paris, où il se fût étiolé sans profit pour personne. Craignons donc que leur existence actuelle n'ait que la-durée des sursis accordés aux condamnés à mort.

M. Dodeman, après nous avoir expliqué comment on devient bouquiniste — et c’est une explication curieuse — passe successivement en revue bouquinistes, bouquineurs et bouquins. Des bouquinistes, il cite des types caractéristiques, les uns disparus, les autres encore en exercice : parmi les premiers, le père Isnard, un ancien perruquier ; le père Foy, un ancien chef de claque ; Gaillard, un ancien chef de gare, voire même un ancien notaire, comme Gustave Bouclier. Parmi les seconds, Mme Pernier, auteur d’un système pédagogique breveté ; Dubois, le marchand de gravures. Le Blanc, marchand de pierres gravées. Douville, le numismate, etc.

Les bibliophiles figurent, eux aussi, en bonne place dans la collection si variée de portraits qu'esquisse M. Dodeman. Nous voyons défiler les littérateurs, avec MM. France, Adolphe Brisson, Le Senne, Georges Gain (depuis défunt).

Les peintres, avec MM. Baschet, Ivill Mahut, et les gracieux profils féminins de Mmes Delarue Mardrus, Cécile Sorel, Jane Marnac, Clara-Tambour, etc.

Les collectionneurs, tels MM. Paul Lacombe, Edgar Mareuses, Lucien Gillet, Charles Normand, Blondel, Hartmann, tous chasseurs de documents sur Paris et sa région. Les maestro Hirlemann et Chillemont, M. Farcy, spécialiste des ouvrages sur Notre-Dame de Paris, Chartes Noroy, célèbre par son antique gibus et son éternelle redingote ; MM. René Vallery-Radot et Francis de Miomandre, le professeur Pierre Marie, de l'Académie de Médecine, le conseiller d’Etat Dislère, M. Eugène Pierre, le règlement parlementaire, lui-même. MM. Léon Bourgeois, Thomson, Barrés, Millerand, Léon Hennique, Charles Foley, Hannoteaux, le R. P. Caruel. l’abbé de Boyne : arrêtons-nous, car ils sont vraiment trop.

Est-ce à dire que les quais recèlent encore des trésors et qu’on puisse découvrir, dans la boite à deux sous (depuis, par la dureté des temps, celle à six sous), des éditions princeps de nos grands classiques, ou tel gothique rarissime? Non, les temps ne sont plus où le bouquineur enragé trouvait, pour 0 fr. 50, une première édition des « Maximes » de La Rochefoucauld, des « Lettres » de Mme de Sévigné ou des « Contes » de Perrault, dont la valeur n'est guère moindre de 2,500 francs.

Mais au long des quais, le bibliophile, qu'il soit vieux professeur, adolescent ingénu ou jolie femme, ne trouvera-t-il pas toujours ce que nous tous, tant que nous sommes, nous poursuivons à travers la vie, le Rêve !

Article de Saint-Ronan extrait du journal La libre Parole du 30 décembre 1919

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